lettre ouverte aux élus 2012

lettre ouverte aux élus 2012

Brest, le 18 juin 2012

OBJET : Lettre ouverte à nos élus, concernant le projet de construction à l’angle des rues Lars, Fréminville et Laurent Le Gendre à Brest.

Monsieur le Maire-Président,

Une fois encore, nous sollicitons votre attention, et celle des élus brestois, sur notre quartier.

L’année dernière en effet, à la même époque, nous avions été conviés à une réunion d’information par Jean-Pierre CAROFF, Vice-président à l’urbanisme et Jacques QUILLIEN, adjoint au Maire du quartier des 4 Moulins.
Cette réunion, qui avait eu lieu le 16 mai 2011, concernait le projet de construction d’un immeuble de 27 logements sur le terrain situé à l’angle des rues Lars, Fréminville et Laurent Legendre. Nous nous étions alors regroupés et avions fondé l’association P.E.C.A.B, afin de défendre notre point du vue. Nous vous avions écrit une lettre ouverte, que nous avons publiée sur notre site[1].

Vous nous avez entendus, et nous vous en remercions.

Le 22 mai dernier, nous avons à nouveau bénéficié d’une réunion d’information sur un nouveau projet prévu sur la même parcelle. Nous vous remercions encore de cette belle initiative, qui nous permet de nous sentir associés aux projets en cours dans notre quartier, et écoutés par nos élus.

Le projet qui nous a été présenté diffère sensiblement du précédent. Bien qu’il soit porté par un promoteur différent, l’architecte est inchangé. Il s’agit d’une reprise des plans que nous avions découverts l’année dernière.

Nous avons bien noté les efforts effectués sur le projet, tenant compte de nos arguments :
24 logements, disposant chacun d’un parking (3 logements de moins que le précédent projet)
une façade un peu moins massive et moins avancée sur la rue Fréminville
ou de ceux de l’Architecte des Bâtiments de France:
des volets
du zinc en façade

Toutefois, le nouveau projet est globalement très semblable à l’ancien. Or l’idée que nous défendons avec détermination, cette année encore, est celle d’un parti pris architectural ambitieux, audacieux et valorisant dans le contexte de Recouvrance.

Nous ne souhaitons pas nous opposer à la construction de logements collectifs. Nous sommes conscients des besoins, et ne considérons pas un projet comme une nuisance. Nous sommes conscients des enjeux démographiques, nous connaissons tous de jeunes couples qui sont amenés à construire en périphérie, parfois éloignée de la ville, faute de logements adéquats ou abordables à Brest. Nous comprenons et adhérons à l’idée de densification urbaine, si elle est mise en œuvre de manière équilibrée.

Bref, nous pensons être en adéquation avec la politique mise en place par la Ville de Brest. Nous sommes heureux de voir de belles réalisations améliorer notre quartier: le tramway et les aménagements associés, le Mac Orlan. Nous sommes impatients de voir se réaliser de nouveaux projets ambitieux et novateurs, dont nous sommes fiers de parler à nos amis non Brestois : les Capucins, le téléphérique…

La politique urbaine de Brest, nous le savons, ne se résume pas à des mots. Nous savons que BMO concrétise ses discours par la réalisation de projets osant une architecture créative, comme l’opération Bonne Nouvelle, ou favorisant la performance énergétique, comme les logements passifs de Kerarbleiz.

Plus proche de nous, le terrain de l’Espérance est destiné à recevoir un projet qui nous semble exemplaire.

Le projet qui nous concerne semble aller à contresens de tous les principes développés par BMO et auxquels nous sommes attachés.

Enjeu démographique

Brest souhaite attirer les jeunes couples qui fuient vers la périphérie :
« Favoriser le retour des familles dans certains quartiers de centre‐ville (Recouvrance) en restructurant les logements de petite taille. »[2]

Le projet de l’Espérance répond à cette ambition :
« Afin de répondre aux besoins du quartier en matière de logements familiaux, les petits logements étant sur-représentés à Recouvrance, cette opération sera composée d’une majorité de T3 et de T4. » [3]
Ce projet comporte 42 logements sur 2718m², et 60 places de parking.

Le projet nous concernant propose une majorité de T2 : 3T1, 12T2, 9T3 (possibilité d’assembler 2T2 en 1T4). Il comporte 24 logements sur 670m² (soit une densité deux fois et demie supérieure), et 24 places de parking (dont une à l’extérieur).

La problématique du stationnement

Le projet mentionne 24 parkings pour autant de logements. Ce ratio nous semble très largement insuffisant, car :
La construction de l’immeuble aura incontestablement pour conséquence se supprimer plusieurs places de stationnement (démolition des garages rue Lars).
il n’est pas rare que les couples ou les familles possèdent ou utilisent (cas des véhicules de service ou de société) deux véhicules. Les occupants des futurs appartements recevront nécessairement des amis ou de la famille pour une durée plus ou moins longue. Les véhicules de ces visiteurs devront donc stationner à l’extérieur.
La rénovation du quartier et le rajeunissement de sa population ont entraîné un accroissement important du parc de véhicules. Le stationnement est devenu totalement anarchique et il suffit, pour s’en persuader, d’observer à quel point les trottoirs et les angles de rues sont encombrés. Il n’est pas rare que les piétons soient obligés d’emprunter la chaussée. Les interdictions de stationnement ne sont pas respectées. Il est à craindre que ces encombrements ne constituent des obstacles insurmontables interdisant ou réduisant la liberté de manœuvre des véhicules de secours ou d’incendie.

Enjeu environnemental

« Favoriser la prise en compte des cibles HQE dans la production de logements, notamment ceux aidés par la collectivité, en ciblant prioritairement les questions relatives à l’énergie et au cycle de l’eau »[4].

Nous n’avons pas détecté dans ce projet de motivation particulière sur le sujet. Cela est d’autant plus surprenant que le groupe Erable, acteur du solaire photovoltaïque, serait inséré au capital de la société Saint-Vincent Champagne, promoteur du projet.

Au contraire, certains choix nous surprennent, comme les balcons situés sur la façade Nord, aberration en termes de construction bioclimatique.

Valorisation du patrimoine, amélioration de la qualité de vie

Qualité de vie, espaces verts

Certes, ce projet comporte des espaces verts. Mais ceux-ci sont prévus dans l’enceinte intérieure, donc invisibles pour les riverains.

Implantantion du projet 

Le Plan Local d’Urbanisme indique :
«  ZONE UA – ARTICLE 6 : IMPLANTATION DES CONSTRUCTIONS PAR RAPPORT AUX VOIES * ET EMPRISES PUBLIQUES
1.
Les constructions doivent s’implanter à l’alignement* ou en fonction des marges de recul* dès lors qu’elles sont inscrites aux documents graphiques. »[5]

Le mur en pierres existant, repéré en ZPPAUP, est un élément important à prendre en compte, comme l’a souligné l’Architecte des Bâtiments de France. Nous nous étonnons de sa prise en compte partielle. En effet, une partie de l’immeuble suit le tracé de ce mur (angle Fréminville / Le Gendre), mais la plus grande partie suit l’alignement du trottoir, et inclut donc le mur, dont une partie serait reconstruite à l’intérieur du rez de chaussée, le niveau des garages (le reste étant symbolisé par une ligne au sol).
Nous ne comprenons pas la cohérence de ce point de vue. Où est la conservation de ce mur pour le quartier, s’il est enfermé dans les garages ? Si l’alignement est respecté à l’angle Nord-Ouest, comment peut-il ne plus être obligatoire sur le reste du mur ?

Insertion

Le Plan Local d’Urbanisme indique :
« ZONE UA – ARTICLE 11 : ASPECT EXTERIEUR
1.
Façades
Les travaux d’aménagement et d’extension sur une construction existante doivent avoir pour effet de mettre en valeur l’harmonie du front bâti dans lequel elle se situe.
La composition de la façade doit prendre en compte le rythme des façades des constructions environnantes et ceci à l’échelle de la rue, les éléments de modénature des constructions environnantes, la densité et les proportions des baies des constructions voisines.
Ces dispositions ne doivent pas faire obstacle à l’expression de l’architecture contemporaine, dès lors que les projets s’inscrivent de façon discrète et harmonieuse dans le tissu environnant. »[6]

Le rapport de présentation de la ZPPAUP aborde aussi la question du contexte local :
« L’architecture des nouvelles constructions devra tenir compte du contexte des constructions voisines et notamment des règles urbaines suivantes :
respect de la trame urbaine et du mode d’implantation des constructions environnantes (rôle du plan-masse),
respect de la cohérence volumétrique, c’est à dire des gabarits urbains des quartiers, des épaisseurs, des hauteurs maximales et des volumes de toiture, tout en favorisant une interprétation contemporaine de ces règles urbaines… »[7]

Enfin, dans les prescriptions de la ZPPAUP, on peut lire :
« Hauteurs de constructions. Toute extension, surélévation ou construction neuve sera réglée sur la hauteur des constructions les plus proches (à l’exception des constructions existantes dont la hauteur serait trop élevée ou trop basse par rapport à celle des constructions du secteur). »[8] 

Nous avons tenté de représenter sur le plan ci-dessous les hauteurs des constructions du quartier. Nous y avons fait apparaître les lignes de niveau, la topographie ayant une influence importante sur ce secteur.
Notre lecture est que la hauteur des constructions les plus proches est majoritairement en R+1 à R+2.

plan

Valorisation du patrimoine

La « Cour à Bruslé » est citée et mise en valeur dans différents supports : la « Balade de Recouvrance »[9], la lettre n°7 de l’Observatoire socioéconomique du tramway[10], Wikipédia[11], le site de la Maloïne[12].

Elle est aussi répertoriée dans la liste des immeubles protégés représentatifs de l’histoire architecturale de Brest figurant dans le rapport de présentation de la ZPPAUP. La légende du plan de synthèse donne une définition des immeubles rangés sous cette catégorie :
« Il s’agit des constructions les plus intéressantes du patrimoine architectural de Brest (immeuble antérieur au milieu du 19e siècle, immeuble à forte ornementation […] »

Elle indique également l’enjeu :
« garantir la pérennité du patrimoine grâce à la conservation des témoins de l’histoire architecturale brestoise. Ces bâtiments jouent un rôle majeur dans leur environnement d’où la nécessité de veiller aussi à ce que les constructions des espaces limitrophes soient de qualité »

La cour à Bruslé est citée à plusieurs reprises dans ce document:
« Le secteur Pontaniou, épargné par les bombardements mais non pas les opérations de restructuration immobilière, présente une structure urbaine pittoresque (rue de Saint-Malo et terrasses avoisinantes) et des monuments comme l’ex-prison de Pontaniou, l’immeuble-pont dit « Bâtiment aux Lions » et la « Cour à Bruslé » du XVIIIème siècle. »1[3]

« Immeubles antérieurs à 1860 [ …] Des détails d’architecture comme des pilastres en kersantite, et plus généralement un souci d’apparat, singularise cette architecture classique, comme la maison de la Fontaine ou la cour à Bruslé. En raison de leur rareté et de leur intérêt historique, les quelques bâtiments qui appartiennent à cette catégorie sont protégés au titre de la ZPPAUP. »[14]

En tant que riverains, nous croisons beaucoup de promeneurs, de Brest ou d’ailleurs, qui viennent admirer cette pièce maîtresse du patrimoine brestois, avant de continuer leur balade vers la rue de Saint Malo.

Nous serions heureux que ces visiteurs (et nous-mêmes) puissent aussi admirer une construction faisant face au 16 rue Lars, et apprécier comment deux architectures, que plus de deux siècles séparent, peuvent se répondre harmonieusement et se mettre en valeur mutuellement.

Notre vision

« Cinq années pour rénover ensemble ce visage de Brest :
habitat, qualité résidentielle, redynamisation commerciale, espaces publics, lien social. C’est en profondeur que s’engage ce renouvellement sans précédent, avec ceux qui font Recouvrance au quotidien : habitants, propriétaires, commerçants, associations. »[15]

C’est le programme que vous proposez, et auquel nous adhérons. C’est en tant que citoyens et habitants concernés et motivés que nous nous nous exprimons.

Nous pensons que le projet actuel ne valorise pas l’existant, et n’apporte aucune dynamique à notre quartier. Certes, il est sensiblement différent du projet précédent, mais la base est la même.

Nous rêvons d’un projet fondamentalement différent. Une construction réellement novatrice, à l’image de ce que nous pouvons voir ailleurs à Brest, et de ce qui se prépare aux Capucins. Une construction qui ne nous imposerait pas ce sentiment d’étouffement, d’écrasement, mais qui saurait s’accorder à son environnement tout en lui insufflant une dynamique nouvelle, suscitant l’enthousiasme et la curiosité.

Nous pensons que cela est faisable.
Nous vous demandons à nouveau aujourd’hui de ne pas abandonner cette vision de Brest que vous défendez.

Nous ne voulons pas bloquer notre quartier dans un immobilisme stérile. Bien au contraire, nous souhaitons que notre quartier participe à la dynamique forte qui nous entoure, entre la rue de la Porte en pleine mutation et le Plateau des Capucins, sur ce chemin de promenade le long de la Penfeld.

Ne laissez pas notre quartier passer à côté de ce qu’il pourrait devenir.

Espérant cette fois encore votre compréhension, votre adhésion et votre soutien actif, nous vous prions, Monsieur le Maire-Président, de croire en notre esprit constructif.

Pour P.E.C.A.B,
La présidente

Sophie Brégent

[1] http://www.pecab.org/?page_id=16
[2] 4e PLH; http://www.brest.fr/uploads/tx_pmpresse/PLH_2008-2013_modifie.pdf
[3] Recouvrance AVENIR no2, juin 2012; http://www.brest.fr/fileadmin/user_upload/Cadre_de_vie_Deplacement/Amenagement_et_projets_urbains/Fichiers/lettre-recouvrance-2.pdf
[4] 4e PLH; http://www.brest.fr/uploads/tx_pmpresse/PLH_2008-2013_modifie.pdf
[5] [6] Plan Local d’Urbanisme de Brest Métropole Océane; http://www.brest.fr/fileadmin/user_upload/Cadre_de_vie_Deplacement/Lurbanisme_reglementaire/Fichiers/reglement/Reglement140111.pdf
[7] ZPPAUP du Centre-Ville de Brest – Rapport de présentation; http://www.brest.fr/fileadmin/user_upload/Cadre_de_vie_Deplacement/Lurbanisme_reglementaire/Fichiers/ZPPAUP/Rapport_presentation.pdf
[8] ZPPAUP du Centre-Ville de Brest – Prescriptions reglementaires; http://www.brest.fr/fileadmin/user_upload/Cadre_de_vie_Deplacement/Lurbanisme_reglementaire/Fichiers/ZPPAUP/Prescriptions_reglementaires.pdf
[9] http://www.brest.fr/fileadmin/user_upload/Mediatheque/Fichiers/Urbanisme_habitat/balade_recouvrance.pdf
[10] http://www.letram-brest.fr/medias/11/39/1256290339.pdf
[11] http://fr.wikipedia.org/wiki/Recouvrance_%28Brest%29#Maison_du_ma.C3.AEtre-serrurier_Charles_Brusl.C3.A9
[12] http://lamaloine.vivrelarue.net/Recouvrance.htm
[13] ZPPAUP du Centre-Ville de Brest – Rapport de présentation;
http://www.brest.fr/fileadmin/user_upload/Cadre_de_vie_Deplacement/Lurbanisme_reglementaire/Fichiers/ZPPAUP/Rapport_presentation.pdf
[14] ZPPAUP du Centre-Ville de Brest – Rapport de présentation;
http://www.brest.fr/fileadmin/user_upload/Cadre_de_vie_Deplacement/Lurbanisme_reglementaire/Fichiers/ZPPAUP/Rapport_presentation.pdf
[15] Plaquette “Opération de renouvellement urbain Recouvrance” http://www.brest.fr/fileadmin/user_upload/Cadre_de_vie_Deplacement/Amenagement_et_projets_urbains/Fichiers/OPAH-RU-Recouvrance-
Plaquette.pdf